Le travail collectif n’a jamais été autant au cœur de l’éducation nationale. D’abord de fait, le réseau d’éducation prioritaire est défini par le ministère, il n’est pas un label obtenu par le collectif. Ensuite par injonction, les textes, circulaires et référentiels mentionnent le « collectif » à de nombreuses reprises. Le collectif ne se décrète pas, il se construit. Comment penser, construire et mettre en œuvre le travail collectif ? Le séminaire départemental 2023-2024 propose de questionner les représentations du travail collectif, ses codes, ses modalités.
Session 1 : la dimension collective du travail en éducation prioritaire
Le jeudi 8 février 2024, Madame Stein, directrice académique adjointe, a ouvert la première session du séminaire perlé.
Chloé Lecomte, maitresse de conférences à l’université Paul Valéry de Montpellier 3, a présenté la problématique de l’action collective en éducation prioritaire à partir de quelques questions :
- Quels sont les enjeux de l’action collective ?
- De quoi parle-t-on derrière les expressions « collectif de travail » et « travail collectif » ?
Les résultats d’une enquête sur deux dispositifs de travail collectif inter-degrés donnent un éclairage sur la construction et le pilotage du collectif
Cliquer sur l'image pour lire la vidéo
Session 2 : les conditions de développement d’une activité collective en éducation prioritaire
Le mardi 26 mars 2024, Madame Stein, directrice académique adjointe, a ouvert la deuxième session du séminaire en rappelant l’importance du collectif dans l’éducation prioritaire.
Dans la continuité de la conférence de Chloé Lecomte, Vincent Grosstephan, professeur des universités à l’université d’Aix-Marseille, et Yannick Lemonie, maitre de conférences au CNAM de Paris, ont démontré la nécessité d’échanger sur l’objet de travail et le système d’activité pour développer le caractère collectif de l’activité en éducation prioritaire.
Cliquer sur l'image pour lire la vidéo
SYNTHÈSE DES ATELIERS LORS DES SESSIONS DU SÉMINAIRE DÉPARTEMENTAL DE L’ÉDUCATION PRIORITAIRE – JANVIER ET MARS 2024
PROBLÉMATIQUE TRAVAILLÉE : Depuis 1981, l’éducation prioritaire s’accompagne de la prescription au collectif : collaboration entre enseignants, avec les partenaires, dispositifs impliquant enseignants des premier et second degrés, création des réseaux réunissant des personnels inter-catégoriels… Comment faire de ces collaborations une réelle synergie ? À quelles conditions peut-on créer un collectif de travail efficace et performant ? Que signifie le travail collectif ? Comment piloter cette dimension dans un réseau d’éducation prioritaire ?
Ce document présente l’état des réflexions des participants au séminaire sur le sujet et quelques pistes de travail proposées par les chercheurs sollicités.
« Collectif » ?
- Le collectif est au cœur du travail de l’EP.
- Le collectif donne du sens au métier.
- Le collectif est la dimension indispensable, essentielle du réseau.
- Le travail collectif est une compétence à construire pour les enseignants, pour les pilotes.
- Le travail collectif est un moyen de s’appuyer sur les acteurs, une ressource pour le développement professionnel.
« Travail » ? « Activité » ?
- Travail prescrit / travail réalisé, réel : à partir du prescrit, chacun élabore son travail = se redonner des buts, un sens, des façons de faire. C’est ce que les chercheurs appellent « l’activité ».
- Il peut y avoir des tensions entre l’usage de moi par moi au travail et l’usage de moi par les autres.
- L’activité est toujours collective, reliée aux autres.
- Quel est l’objet de l’activité en EP ? la réduction des inégalités, la réussite des élèves, leur émancipation, leur autonomie…
- Quand chacun se redonne des buts, un sens, des façons de faire, il s’agit d’une redéfinition individuelle des normes
Travail collectif, collectif de travail ?
Quand discute-t-on de cette redéfinition individuelle des normes ? Travailler collectivement, c’est coordonner le travail réel, c’est construire des accords sur les façons de travailler : entre enseignants, avec les hiérarchies, avec les partenaires, avec les parents, au sujet des finalités, au sujet des organisations concrètes = se donner des normes partagées. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des espaces de débats, de controverse professionnelle. Le collectif de travail se construit autour de la construction de ces accords. Le collectif de travail est un ensemble de personnes qui élaborent et réélaborent des accords sur le travail réel.
Pour qu’il y ait débat, controverse professionnelle, il est nécessaire de rendre visible son travail, d’expliciter son activité (façons de faire, buts, valeurs guides, sens donné), de rendre visible son travail. Cette discussion ne peut avoir lieu que dans un climat de confiance : apprendre à se connaitre, communiquer, développer un sentiment d’appartenance, l’autonomie. Il est nécessaire à certains moments d’exclure les rapports sociaux de dépendance, hiérarchiques pour libérer la parole : permettre/prévoir des temps sans hiérarchie.
Le travail collectif demande du travail en plus, du temps en plus : l’institution aménage ce travail collectif par les temps de pondération en REP+. Difficulté de construire le collectif en REP sans le bénéfice de ces aménagements institutionnels : trouver collectivement des aménagements pour rendre possible le travail collectif.
Tensions, conflits ?
Trouver l’équilibre entre les souhaits des enseignants et les besoins identifiés par les pilotes. Équilibre délicat entre autonomie des enseignants et prescriptions
Quelle clarté de la prescription ? Dans quoi s’engage-t-on réellement ?
Quel lien entre l’ordre du jour prescrit et les souhaits de discussion des membres ? L’ordre du jour est-il discuté (cf les accords sur travail réel) ?
La régulation, la prise de décision est-elle conjointe entre enseignants et hiérarchie ? A quelles conditions atteindre l’horizontalité ? Expliciter et partager les indicateurs, identifier un seul objet de travail à la fois, expliciter et discuter des enjeux (objets de travail) des différentes instances CEC, conseil de cycle3, comité de pilotage de réseau.
Si je ne vois plus le lien entre mes actions et l’objet de l’activité, il y a perte de sens, démobilisation, découragement, souffrance.
Exemples :
- succession, accumulation de dispositifs (sentiment de « millefeuilles ») avec évaluations rapides à remonter, quel est l’objet de l’activité ? S’agit-il de déployer un dispositif ou d’améliorer la compétence en compréhension des élèves, leur autonomie ?
- -instances dont l’objet de travail est redondant : sentiment de refaire et refaire.
Identifier les contradictions pour en discuter et faire évoluer l’activité.
Propositions pour un travail collectif bénéfique pour les élèves, pour les enseignants, pour les pilotes
- apprendre à se connaitre, communiquer, échanger, temps de convivialité
- échanges de pratiques, co-enseignement, visites croisées premier et second degré : s’acculturer l’un à l’autre
- rôle d’accompagnement des coordonnateurs - articuler les différentes instances
- relancer les projets de réseau, outil partagé par tous, projet au service du pilotage pédagogique, partagé premier et second degré
Mise à jour : juillet 2024